Quelques paroles de Sainte Thérèse de l’Enfant Jésus

Dans les entretiens de la Bienheureuse avec ses novices, nous trouvons les plus précieux enseignements.

Sœur ThérèseJe me décourageais à la vue de mes imperfections, raconte l’une d’entre elles, Sr Thérèse de. l’Enfant-Jésus me dit :
« Vous me faites penser au tout petit enfant qui commence . à se tenir debout, mais ne sait pas encore marcher. Voulant absolument atteindre le haut d’un escalier pour retrouver sa maman, il lève son petit pied afin de monter la première marche. Peine inutile l il retombe toujours sans pouvoir avancer. Eh bien, soyez ce petit enfant; par la pratique de toutes les vertus, levez toujours votre petit pied pour gravir l’escalier de la sainteté, et ne vous imaginez pas que vous pourrez monter même la première marche! non; mais le bon Dieu ne demande de vous que la bonne volonté. Du haut de cet escalier, il vous regarde avec amour. Bientôt, vaincu par vos efforts inutiles, il descendra lui-même, et, vous prenant dans ses bras, vous emportera pour toujours dans son royaume où vous ne le quitterez plus. Mais, si vous cessez de lever votre petit pied, il vous laissera longtemps sur la terre. »

« Le seul moyen de faire de rapides progrès dans la voie de l’amour, disait-elle, est celui de rester toujours bien petite; c’est ainsi que j’ai fait; aussi maintenant je puis chanter avec notre Père saint Jean de la Croix :

Et m’abaissant si bas, si bas,
Je m’élevai si haut, si haut,
Que je pus atteindre mon but!… »

« Mes protecteurs au ciel et mes privilégiés sont ceux qui l’ont volé, comme les saints Innocents et le bon larron. Les grands saints l’ont gagné par leurs oeuvres ; moi, je veux imiter les voleurs, je veux l’avoir par ruse, une ruse d’amour qui -m’en ouvrira l’entrée, à moi et aux pauvres pécheurs. L’Esprit-Saint m’encourage, puisqu’il dit dans les proverbes
« O tout petit! venez, apprenez de moi la finesse. »

Afin d’imiter notre angélique Maîtresse, je voulais ne pas grandir, aussi m’appelait-elle « le petit enfant ». Pendant une retraite elle m’adressa ces lignes
« Ne craignez pas de dire à Jésus que vous l’aimez, même sans le sentir, c’est le moyen de le forcer à vous secourir, à vous porter comme un petit enfant trop faible pour marcher.
« C’est une grande épreuve de voir tout en noir, mais cela ne dépend pas de vous complètement, faites ce que vous pouvez pour détacher votre coeur des soucis de la terre, et surtout des créatures; puis, soyez sûre que Jésus fera le reste. Il ne pourra permettre que vous tombiez dans l’abîme. Consolez-vous, petit enfant, au ciel vous ne verrez plus tout en noir mais tout en blanc. Oui, tout sera revêtu de la blancheur divine de notre Epoux, le Lis des vallées. Ensemble, nous le suivrons partout où il ira… Ah! profitons du court instant de la vie ! faisons plaisir à Jésus, sauvons-lui des âmes par nos sacrifices. Surtout soyons petites, si petites que tout le monde puisse nous fouler aux pieds, sans même que nous ayons l’air de le sentir et d’en souffrir.
« Je ne m’étonne pas des défaites du petit enfant; il oublie qu’étant aussi missionnaire et guerrier, il doit se priver de consolations par trop enfantines. Mais que c’est vilain de passer son temps à se morfondre, au lieu de s’endormir sur le Coeur de Jésus !
« Si la nuit fait peur au petit enfant, s’il se plaint de ne pas voir Celui qui le porte, qu’il ferme les yeux : c’est le seul sacrifice que Jésus lui demande. En se tenant ainsi paisible, la nuit ne l’effraiera pas, puisqu’il ne la verra plus ; et bientôt le calme, sinon la joie, renaîtra dans son coeur. »

« Oh ! quand je pense à tout ce que j’ai à acquérir!

— Dites plutôt à perdre! C’est Jésus qui se charge de remplir votre âme, à mesure que vous la débarrassez de ses imperfections. Je vois bien que vous vous trompez de route; vous n’arriverez jamais au terme de votre voyage. Vous voulez gravir une montagne, et le bon Dieu veut vous faire descendre : il vous attend au bas de la vallée fertile de l’humilité. »

« Vraiment, vous êtes une sainte !
— Non, je ne suis pas une sainte; je n’ai jamais fait les actions des saints : Je suis une toute petite âme que le bon Dieu a comblée de grâces… Vous verrez au ciel que je dis vrai.
— Mais vous avez toujours été fidèle aux grâces divines, n’est-ce pas ?
— Oui, depuis l’âge de trois ans, je n’ai rien refusé au bon Dieu. Cependant je ne puis m’en glorifier. Voyez comme ce soir le soleil couchant dore le sommet des arbres ; ainsi mon âme vous apparaît toute brillante et dorée, parce qu’elle est exposée aux rayons de l’amour. Si le soleil divin ne m’envoyait plus ses feux, je deviendrais aussitôt obscure et ténébreuse.
— Nous voudrions aussi devenir toutes dorées, comment faire ?
— Il faut pratiquer les petites vertus. C’est quelquefois difficile, mais le bon Dieu ne refuse jamais la première grâce qui donne le courage de se vaincre; si l’âme y correspond, elle se trouve immédiatement dans la lumière. J’ai toujours été frappée de la louange adressée à Judith : « Vous avez agi avec un courage viril et votre cœur s’est fortifié (1). » D’abord, il faut agir avec courage; puis le coeur se fortifie, et l’on marche de victoire en victoire. »

Une novice lui disait :

« Vous êtes bien heureuse d’être choisie pour indiquer aux âmes la « Voie d’enfance » !
Elle répondit :
« Pourquoi en serais-je heureuse ? pourquoi désirerais-je que le bon Dieu se serve de moi plutôt que d’une autre ? Pourvu que son règne s’établisse dans les âmes, peu importe l’instrument. D’ailleurs, il n’a besoin de personne.
« Je regardais, il y a quelque temps, la mèche d’une petite veilleuse presque éteinte. Une de nos soeurs y approcha son cierge ; et, par ce cierge, tous ceux de la communauté se trouvèrent allumés. Je fis alors cette réflexion : « Qui donc pourrait se glorifier de ses oeuvres? Ainsi, par la faible lueur de cette lampe, il serait possible d’embraser l’univers. Nous croyons souvent recevoir les grâces et les lumières divines par le moyen de cierges brillants ; mais d’où ces cierges tiennent-ils leur flamme ? Peut-être de la prière d’une âme humble et toute cachée, sans éclat apparent, sans vertu reconnue, abaissée à ses propres yeux, près de s’éteindre.
« Oh! que nous verrons de mystères plus tard! Combien de fois ai-je pensé que je devais peut-être toutes les grâces dont j’ai été comblée aux instances d’une petite âme que je ne connaîtrai qu’au ciel !
« C’est la volonté du bon Dieu qu’en ce monde les âmes se communiquent entre elles les dons célestes par la prière, afin que, rendues dans leur patrie, elles puissent s’aimer d’un amour de reconnaissance, d’une affection bien plus grande encore que celle de la famille la plus idéale de la terre.
« Là, nous ne rencontrerons pas de regards indifférents, parce que tous les saints s’entre-devront quelque chose.
« Nous ne verrons plus de regards envieux ; d’ailleurs le bonheur de chacun des élus sera celui de tous. Avec les martyrs, nous ressemblerons aux martyrs ; avec les docteurs, nous serons comme les docteurs ; avec les vierges, comme les vierges ; et de même que les membres d’une même famille sont fiers les uns des autres, ainsi le serons-nous de nos frères, sans la moindre jalousie.
« Qui sait même si la joie que nous éprouverons en voyant la gloire des grands saints, en sachant que, par un secret ressort de la Providence, nous y avons contribué, qui sait si cette joie ne sera pas aussi intense, et plus douce peut-être, que la félicité dont ils seront eux-mêmes en possession ?
« Et, de leur côté, pensez-vous que les grands saints, voyant ce qu’ils doivent à de toutes petites âmes, ne les aimeront pas d’un amour incomparable? Il y aura là, j’en suis sûre, des sympathies délicieuses et surprenantes. Le privilégié d’un apôtre, d’un grand docteur, sera peut-être un petit pâtre ; et l’ami intime d’un patriarche, un simple petit enfant. Oh ! que je voudrais être dans ce royaume d’amour ! »

Un jour que je pleurais, la Bse Thérèse de l’Enfant-Jésus me dit de m’habituer à ne pas laisser, paraître ‘ainsi mes petites souffrances, ajoutant que rien ne rendait la vie de communauté plus triste que l’inégalité d’humeur.
« Vous avez bien raison, lui répondis-je, je l’avais moi-même pensé, et désormais je ne pleurerai plus jamais qu’avec le bon Dieu; à lui seul je confierai mes peines, il me comprendra et me consolera toujours. » Elle reprit vivement :
« Pleurer devant le bon Dieu ! gardez-vous d’agir ainsi. Vous devez paraître triste, bien moins encore devant lui que devant les créatures. Comment ! ce bon Maître n’a pour réjouir son Coeur que nos monastères; il vient chez nous pour se reposer, pour oublier les plaintes continuelles de ses amis du monde ; car le plus souvent sur la terre, au lieu de reconnaître le prix de la Croix, on pleure et on gémit; et vous feriez comme le commun des mortels ?… Franchement, ce n’est pas de l’amour désintéressé. C’est à nous de consoler Jésus, ce n’est pas à lui de nous consoler.
« Je le sais, il a si bon coeur que, si vous pleurez, il essuiera vos larmes ; mais ensuite il s’en ira tout triste, n’ayant pu se reposer en vous. Jésus aime les coeurs joyeux, il aime une âme toujours souriante. Quand donc saurez-vous lui cacher vos peines, ou lui dire en chantant que vous êtes heureuse de souffrir pour lui ?
« Le visage est le reflet de l’âme, ajouta-t-elle, vous devez sans cesse avoir un visage calme et serein, comme un petit enfant toujours content. Lorsque vous êtes seule, agissez encore de même, parce que vous êtes continuellement en . spectacle aux Anges. »

 

Je lui demandais si Notre-Seigneur n’était pas mécontent de moi en voyant toutes mes misères.

Elle me répondit :
« Rassurez-vous, Celui que vous avez pris pour Epoux a certainement toutes les perfections désirables ; mais, si j’ose le dire, il a en même temps une grande infirmité : c’est d’être aveugle! et il est une science qu’il ne connaît pas : c’est le calcul. Ces deux grands défauts, qui seraient des lacunes fort regrettables dans un époux mortel, rendent le nôtre infiniment aimable.
« S’il fallait qu’il y vît clair et qu’il sût calculer, croyez-vous qu’en présence de tous nos péchés, il ne nous ferait pas rentrer dans le néant ? Mais non, son amour pour nous le rend positivement aveugle !
« Voyez plutôt : Si le plus grand pécheur de la terre, se repent au moment de la mort et expire dans un acte d’amour, aussitôt, sans calculer d’une part les nombreuses grâces dont ce malheureux a abusé, de l’autre tous ses crimes, il ne voit plus, il ne compte plus que sa dernière prière, et le reçoit sans tarder dans les bras de sa miséricorde.
« Mais, pour le rendre ainsi aveugle et l’empêcher de faire la plus petite addition, il faut savoir le prendre par le coeur ; c’est là son côté faible… »

Je lui avais fait de la peine, et j’allais lui demander pardon. Elle parut très émue et me dit :
« Si vous saviez ce que j’éprouve! Je n’ai jamais aussi bien compris avec quel amour Jésus nous reçoit quand nous lui demandons pardon après une faute ! Si moi, sa pauvre petite créature, j’ai senti tant de tendresse pour vous, au moment où vous êtes revenue à moi, que doit-il se passer dans le coeur du bon Dieu quand on revient vers lui !… Oui, certainement, plus vite encore que je ne viens de le faire, il oubliera toutes nos iniquités pour ne plus jamais s’en souvenir… Il fera même davantage : il nous aimera plus encore qu’avant notre faute !… »

2 commentaires sur « Quelques paroles de Sainte Thérèse de l’Enfant Jésus »

  1. Merci pour ce beau texte de sainte Thérèse qui montre encore un peu plus l’humilité de cette sainte. Nous avons coutume de l’appeler la petite Thérèse pour la petite voie de la sainteté qu’elle nous montre, comparée au chemin de la perfection de la grande Thérèse d’Avila. Cependant, c’est elle même qui nous rappelle notre petitesse face à Dieu en signant son 2ème manuscrit autobiographique : toute petite soeur Thérèse de l’Enfant Jésus de la Sainte Face.

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